2012 CACLB Montauban
Si la nomination n’emportait pas un certain dédain dans le monde de l’art qui aime les appellations contrôlées et les cloisons étanches, on dirait volontiers de Daniel Daniel qu’il est un artiste de variétés. Qu’on ne s’y trompe pas : la répétition n’est pas son genre, exception faite du redoublement de son prénom. À son compteur, de nombreuses heures de bonheur et de labeur qui méritent – puisque la poésie est au rendez-vous de ce travail inclassable – qu’on poursuive la déclinaison de la rime : bricoleur précoce et virtuose, créateur d’images spontanées, explorateur de mondes sonores, constructeur de meubles animés, créateur de sculptures mobiles, amateur de jeux visuels, réalisateur de cinéma d’animation, graveur diplômé de son état, professeur d’Académie et guetteur de formes inédites, brassées par les nouvelles technologies, pourvu qu’il puisse y couler et rafraîchir ses idées. Pour l’heure – celle de ce rendez-vous ludique à Montauban – on ajoutera : recycleur de conteneur. Voire bonimenteur? Allez (sa)voir… Car Daniel Daniel ne saurait, bien sûr, se contenter de la seule idée du volume d’exposition que représente le container qu’il a pour mission d’investir in situ : pour justifier la présence incongrue de cet objet industriel en pleine nature, il a décidé d’en faire une baraque foraine – une thématique déjà déclinée ailleurs dans son travail, mais dont il n’a pas fini d’épuiser l’étrangeté, l’imaginaire et la symbolique, en cet endroit du réel entre chien et loup, entre nature et culture où leurs frontières s’estompent comme par enchantement. Et puisque ce maître de l’attrape-regard s’y connaît en trompe-l’œil, on ne peut que se réjouir à l’avance de se laisser berner par son cabinet de curiosités personnel qui se promet d’interpréter la nature environnante par la confection d’un objet mystérieux placé en son centre – cet obscur objet du regard qui échappe sans cesse à nos yeux, comme la savonnette nous glisse entre les mains. Franchir le rideau d’une baraque foraine, c’est retourner à l’école buissonnière de la vie et retrouver le vieux pays de Cocagne. Il n’est jamais trop tard, pour les grands enfants que nous sommes, de réapprendre que nos paupières, comme nos doigts, se referment le plus souvent sur le vide.
François de Coninck